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5 minutes pour l’éternité©

 

Jour de pénitence, la tristesse est au fond de mes tripes. Seul sur la route ce 24 décembre 2023, mes larmes se sont asséchées pour nourrir ma rancœur… Je roule vers mon malheur.

 

23 h 55, je suis sur une départementale isolée. Depuis plus d’une heure, je n’ai croisé aucune voiture. Mes yeux rivés sur le peu de bitume que mes codes peuvent éclairer. Ma vision dans la tourmente de mes sentiments. Tout le monde réveillonne en ce jour sanctifié, ce sera sans moi, je n’ai plus de famille, elle a été décimée dans cette guerre de conviction, dans une opération de destruction, dans une indifférence sans nom. Civils et militaires, qu’importe aujourd’hui, mes parents, mes frères, ma sœur, ma famille et mes amis sont morts un 24 décembre à 17 h 13, je n’ai plus le cœur à aimer, je n’ai plus le temps de rire ni de chanter ces mélodies de Noël, ni même de pleurer. Le livre des morts vient de s’ouvrir au moment de la nativité pour être placée dans un cercueil moribond. Etrange paradoxe où la naissance s’est subitement mêlée à la mort.

 

23 h 56, il y a quelques heures j’ai perdu mon père, ma mère, mes frères, ma sœur, ma famille et mes amis. Tous réunis pour fêter cette lumière de paix et d’espérance. Ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Un missile diabolique est venu faucher l’intégrité de ma famille me laissant des lambeaux de mémoires dans la fumée toxique de l’ineffable instant. Mon mémorial n’a pas de stèle, c’est dans ce trou d’obus que réside la fausse commune familiale.

 

23 h 57, je devais être avec eux sous le feu de Noël, une fête familiale dans les décombres de la vie, à côté du charnier des amis, des voisins et d’autres spectres disparus. Je devais être auprès d’eux, mais la vie en a décidé autrement. Un retard, une panne, un report de voyage et me voilà sur la route, en tenue de soldat, pour rejoindre les miens, du moins exprimer leur absence dans le silence de la mort. Les reconnaitre voire être le témoin de cette déchirure provoquée par ces belliqueux, haranguant l’humanité de leur orgueil et de leurs armes. Un regard lucide sur la guerre, qui sépare les cœurs en meurtrissant l’âme de ceux qui s’aiment.

 

23 h 58, A deux minutes de cette bascule inutile et futile à mes yeux, je fixe cet horizon limité grâce à la clarté des phares qui accompagnent ma route. Mes rêves se sont évaporés au moment de la déflagration, au moment où mon cœur d’homme c’est dispersé dans les ténèbres de l’oubli… À cet instant maudit où mon téléphone a sonné comme un glas pour m’avertir de l’impossible accès vers ce futur familial. Que faire des souvenirs s’ils sont baignés par le sang de l’ignominie effaçant le sacré ?

Les trêves ne sont pas humaines, elles appartiennent à la nuit des sentiments… À l’ombre de ma raison.

 

23 h 59, Plus qu’une minute et il est minuit, symbole de cet espace sans temps où la mort et la vie n’existent plus. L’étrange instant où le pleur se fait rire et le rire se fait foi. Moment magique où s’ouvrent les entrailles de la terre, et s’éclairent les voies du ciel. C’est dans cette imminence temporelle que subitement, j’ai vue, à un arrêt bus en plein désert rural, un vieil homme, barbe blanche, robe de bure et sandale au pied. Il est là, assis sur un banc délabré regardant un horizon sans profondeur, baigné dans la nuit sépulcrale de mes rêves sans tain. Ralentir et aussi s’arrêter… Et s’avancer vers cet être énigmatique qui en se retournant vers moi me donne l’impression de scruter l’ombre de ma vie…

 

00 h 00, Le vieil homme me regarde fixement. Je m’approche de lui en lui demandant :

 

- Puis-je faire quelque chose pour vous, vous amener quelque part ?

- Non Marcus… Je t’attendais !

- Comment ça, vous m’attendiez ? Et comment connaissez-vous mon prénom ?

- Ne pose pas tant de questions et viens avec moi !

- Où voulez-vous m’amener ?

- Encore une question qui attendra sa réponse…

- Je vais fermer ma voiture.

- Il est inutile de fermer ta voiture, Marcus, ouvre plutôt cette porte !

- Il n’y avait aucune porte ici à l’instant ?

- Et maintenant il y en a une !

- Autant la contourner, ce sera plus simple !

- La facilité serait, effectivement, de la contourner et de suivre le chemin en visuel, mais le discernement est de se donner le pouvoir d’oser une autre route que celle-ci en ouvrant la porte d’un ailleurs.

 

C’est avec appréhension que je regarde la porte qui progressivement s’ouvre comme par magie. Un épais brouillard s’échappe de l’embrasure et se dissipe rapidement. Je me retrouve sur le seuil, devant moi ma chambre d’enfant avec le peu de jouets que j’avais. Une lumière particulière éclaire cette pièce et là, au milieu du lit ma première peluche, un nounours que j’avais reçu le jour de ma naissance… Il m’avait été offert par un inconnu qui pour Noël donnait des cadeaux aux nouveaux nés, un bienfaiteur que je n’ai jamais connu. Cet ours en très mauvais état était chez mes parents et lui aussi a du disparaître dans les décombres du patrimoine familial détruit en un instant par un missile à défragmentation.

Tout doucement, je m’approche de ce lit d’enfant et saisis mon ours en peluche que j’affectionnais tant pour avoir été mon confident, mon guide, mon ami, mon frère pendant près de quarante ans. Dans mes bras contre mon cœur, l’ours Baer, comme je l’avais nommé, palpitait des souvenirs que j’avais au fond de mon cœur. Les yeux pleins de larmes je me retourne vers le vieil homme et lui demande :

 

- Si j’avais qu’une seule question à vous poser, m’autoriseriez-vous une réponse ?

- Bien sûr Marcus, pose ta question et la vie te répondra.

- Pourquoi suis-je ici avec mon vieux Baer usé par le temps ?

Ma chambre vient de disparaître en une fraction de seconde pour laisser place à une vision hallucinante. Mes parents, mes frères, ma sœur, ma famille et mes amis étaient là, se souhaitant joyeux Noël, se congratulant, s’étreignant en commençant à distribuer les cadeaux. Mon père prit la parole :

- Ce cadeau-là est pour Marcus !

- Et qu’est-ce que c’est, demande Myriam, ma sœur, curieuse comme une chatte.

- C’est son Baer, ma fille, entièrement recousu par la mère Oksana.

- Et quand arrive-t-il entonne mon jeune frère

- Dans la nuit, il est sur la route !

​

Je suis à cet instant dans une confusion totale ne sachant pas où trouver la réalité du moment. Me retournant vers le vieil homme, je lui lance avec angoisse :

​

- Mais que se passe-t-il, mes parents sont morts il y a quelques heures…. J’étais sur la route quand j’ai appris cette terrible nouvelle ?

- Regarde là, c’est ton nouvel horizon…

 

Dans la brume une image incroyable. Je me revoyais m’arrêtant devant une fresque peinte sur un mur d’une vieille église abandonnée, quelques minutes avant de recevoir cette information qui anéantira mes espoirs de paix. Je reviens du front, là où les combats sont rudes, là où les morts s’accumulent, là où le temps s’arrête pour ne plus repartir… Je me souviens de cette peinture qui m’avait interpellé au point de m’arrêter et faire une prière à genou devant cette femme en haillons assise sur la misère du monde. Elle priait aussi pour cette paix tellement utopique à mes yeux. Je me rappelle aussi des mots que j’ai prononcés à cet instant avec autant d’amour que de compassion pour mon ennemi… Mais aussi pour ma famille et mes amis

 

« Je prie pour vous mes ennemis d’aujourd’hui, ceux que je ne voie pas, tuant leur « Je » diabolique pour nourrir un « Nous » douteux dans le paradoxe de la guerre… Je prie aussi pour vous mes parents, mes frères, ma sœur, ma famille et mes amis. Je prie pour que cette nuit de Noël soit une nuit de paix, de fraternité et de liberté donnant naissance à un jour nouveau, même si cette pensée me semble hypothétique aujourd’hui… Mon don de vie, mon don de soi vous sont destinés sans distinction aucune, sans discrimination, sans arrière-pensée. Je suis heureux de l’espérance que j’ai dans le cœur, puisse-t-elle vous parvenir à cet instant et vous protéger. Je me trouve dans la croisée des chemins du front de guerre au front de paix… Cette paix que j’ai en face de moi dans la prière et la miséricorde illustrée par cette femme en haillons qui dans la même espérance en oraison fugace prie pour notre Terre afin qu’elle retrouve son unité… Protégez nous de la disgrâce et bénissez nous par vos actes et votre miséricorde… Amen »

 

C’est avec effroi et terreur qu’un missile balaya cette petite église abandonnée avec sa fresque dessinée sur ce vieux mur craquelé… La paix éclata en miette dispersant dans cette déflagration ma prière et ma chair.

Complètement abattu par ces images inconvenantes, ineffables et infernales…

 

- Que s’est-il passé ?

- Tu as une dernière porte à ouvrir, Marcus !

- À quoi bon, puisque je suis mort !

- Le mort et la vie ne font qu’un, tout dépend où tu te trouves !

- Et vous qui êtes-vous ?

- Je suis le « Présent », celui qui vit l’instant dans un souffle éternel… Maintenant, ouvre cette porte et sois heureux dans la compassion et surtout garde ce cœur qui t’a conduit jusqu’à moi… On se reverra, je te le promets et plus rapidement que tu ne le penses. Mais avant donne-moi ton Baer que tu tiens dans tes bras… Là où tu vas, il ne te servira plus à rien…

- Vous ne venez pas avec moi ?

- Non, Marcus, mon chemin est ailleurs !

 

Résigné et ne comprenant plus ma vie ou ma mort, je lui tends mon ours en peluche, une larme coule sur ma joue. C’est ainsi, sans réfléchir que j’actionne la poignée de la porte et traverse le seuil pour peut-être intégrer une nouvelle réalité ou un nouvel abîme….

 

00 h 01, à peine avoir passé cette porte, qu’une acclamation extraordinaire me fait sursauter, un chœur joyeux et chaleureux que je connais trop bien…

 

- Joyeux Noël, Marcus, joyeux noël entonnent mes parents, mes frères, ma sœur, ma famille et mes amis…

Stupéfait de les revoir dans cette circonstance si particulière, je reste figé. Mon père s’approche de moi, me tendant un paquet…

- Très heureux de te revoir, mon fils dans de pareilles circonstances, nous ne t’attendions pas si tôt, me dit-il en m’étreignant.

- Vous ne pouvez pas savoir combien vous m’avez manqué.

- Voici ton cadeau, nous n’avons pas pu faire mieux avec la guerre, mais je pense que tu seras content.

- Je suis déjà ravi d’être parmi vous…

​

Je savais pour l’avoir déjà vécu que ce cadeau contenait mon Baer réparé par Madame Oksana… De grosses larmes coulent sur mes joues…

 

- Merci Papa, merci maman fais-je en prenant ma mère dans mes bras. Merci à vous tous d’être là !

- Nous avons quelqu’un à te présenter me susurre à l’oreille mon père…

- Ah oui et qui ?

- Monsieur, Gift, venez ! Je te présente, Marcus, la personne qui a honoré ta naissance en t’offrant ce bel ours en peluche que tu as dans les bras. Il est arrivé ici 5 minutes avant toi et il nous as expliqué son implication dans les naissances et qu’il avait un nouveau présent à te faire…

​

À cet instant, je suis pétrifié par la vision de cet homme…

​

- Grâce à Dieu, quelqu’un m’a gentiment permis d’arriver jusqu’à vous pendant que j’attendais mon bus sur une route déserte. Il me fallait être là aujourd’hui pour vous remettre un modeste présent qui a néanmoins le prix du sang. Voici cette photo polaroid que l’un de vos compagnons d’armes a pris quelques minutes avant que la mort ne le frappe d’une balle, tirée par un sniper. Cette balle vous était destinée, Marcus. Dans son agonie il m’a demandé de venir vous l’a remettre le plus rapidement possible pour que ce Noël, soit un jour de paix, de lumière et d’amour…. Ne recherchez plus cette église, elle a été détruite par un missile. Nourrissez-vous de cette image que vous illustrez pour y être le priant et portez très loin ce message de paix, car cette femme en haillon sur le mur de cette église avec qui vous avez prié n’est autre que le cœur des mères qui m’ont amené le jour de votre naissance à vous offrir cet ours en peluche. La signification spirituelle de l'ours en peluche est un rappel de l'amour inconditionnel de la Source, ainsi qu'un principe de sécurité et de réconfort dans les moments difficiles. Il symbolise votre force intérieure et votre confiance dans le plan divin, vous rappelant le bonheur de l'enfance tout en guérissant l’adulte.

- Mais qui était ce compagnon d’armes…

- Vous l’appeliez J.-C, il se nommait Joshua Christo.

- Je venais juste de le rencontrer…

- Il était juste venu vous aider à réaliser cette prière.

- Pourquoi dites-vous ça ?

- Parce que ce missile qui a effacé cette vieille église et sa fresque venait d’être dévié de son objectif…

- Et qu’elle était son objectif…

Le vieil homme se rapproche de mon oreille et me chuchote ces mots :

- Le quartier où nous nous trouvons, le missile serait tombé sur la maison de vos parents…

 

Mes parents, mes frères, ma sœur, ma famille et mes amis chantent et dansent fêtant ce jour particulier ou les morts font une trêve pour sentir le souffle de la naissance. Devant les révélations de Monsieur Gift, je suis resté circonspect. Je voulais maintenant savoir qui était ce vieil homme à la barbe blanche vêtue d’une robe de bure et chaussé de sandales.

 

- Quel est votre véritable nom, Monsieur Gift ?

- Je suis le père Noël, oh pas celui qui fait commerce de ses cadeaux, mais celui du cœur, là où la lumière de l’enfance éclaire le chemin de l’adulte…

Je dois m’en aller, maintenant… Dites-vous bien, Marcus que la mort n’est pas une fin en soi, mais un commencement. Elle définit les situations et les transmute ensuite comme un présent posé avec précaution sur le seuil d’une porte… Au cas où quelqu’un viendrait l’ouvrir !

 

00 h 02…

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Les histoires se racontent comme un souffle inspiré sur la vie de chacun… Une invite à mieux appréhender cette humanité qui brille en nous pour nous faire espérer l’inespérable sur l’arbre valeureux des possibles… Sur l’une, des branches se trouvaient le mot paix pour l’homme et son devenir. Je l’ai donc ramené vers vous pour vous l’offrir,. Alors partagez cette vibration sans modération afin que cette paix s’inscrive dans le cœur des hommes. Prenez 5 minutes de votre temps, car ces minutes représentent l’éternité.

 

Le père Noël

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5 minutes pour l'éternité ©

Conte pour adulte de Serge Leterrier - Copyright 2023/2024

Illustration Sel de fictions - Serge Leterrier Créations

 

Commentaires

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Alexandra Leterrier

Wow très profond... Ce conte m'a beaucoup touché. Je ne rencontre pas beaucoup le père noël, mais chaque jour je peux entendre et voir mon père d'Amour. Un père poète, mon père est un écrivain du divin. Il nous narre ce que les hommes peuvent être, il nous explique ce que l'on doit rechercher. On ne dirait pas comme ça mais il est magicien. Mon père est un magicien des mots , de verbes, pour vous faire vibrer et nous montrer qu'il a toujours plus grand, plus beau car il existe l'amour d'une prière, l'amour d'une famille, l'amour d'un tout...Moi sur cette terre j'ai trouvé l'Amour d'un père, peut-être mon père noël mais je dirais mon Père qui m'aime et cela vaut tout l'or du monde. Bravo à toi pour ce magnifique texte et je prie, non en religion, mais je prie avec amour et je chérie l'humanité, car grâce à cela j'ai rencontré sur terre le plus beau des cadeaux, ma famille Originelle, mon tout dans ma quintessence. À toi mon divin père, Serge Azaes Dragoon je te prie de recevoir tout mon amour, mon unique et chaleureux premier homme de mon existence, de ma liberté et de mon Amour . J'ai trois hommes dans ma vie et 3 femmes qui me comblent d'un amour éternel. Je souhaite à tous et à toutes de trouver cette Amour et cette paix pour 2024.

Ta fille qui t'aime Alexandra Krystalia kristalina

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Caroline Aymard

Merci Monsieur Leterrier... un petit chef

D'œuvre d'amour, l'enseignement du cœur...

Jolis mots, joli profondeur, un cadeau orné d'or...

 

Christine Barsi

Un conte magnifique, Serge !

 

Toufik Raspopovitch

Sublime

 

Patrick Kazadi

Formidable

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