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  • Photo du rédacteurSerge Leterrier

Sras Sen Seng alias Francis Cluster

Dans le cadre du challenge PITCHSERIE /

Règle du concours : Écrivez un épisode fictif autour du tournage du film, en choisissant un personnage principal parmi les suivants : Technicien, Chauffeur, Fan, Agent de la sécurité, Assistant, Figurant, livreur.

Les épisodes sélectionnés par le comité de lecture de Pitchseries seront intégrés à la série collaborative initiée dans le cadre du Challenge Pitchseries Saison 2. Une fois la série mise en ligne gratuitement sur notre plateforme, ce seront les lecteurs qui choisiront le gagnant du concours en désignant leur épisode préféré.

IMPORTANT: L’action de votre épisode peut se dérouler sur le plateau ou en dehors. Le seul impératif étant d’axer votre histoire autour du tournage du film.

Comédie, drame, thriller, fantastique, dystopie… tous les genres et tons sont acceptés (entre 1 et 10 paged Word)

Pour participer au concours, envoyez votre épisode à pitchseries@gmail.com

Date limite : 15 juin 2021



Sras Sen Seng alias Francis Cluster

Astérix et Obélix : L’empire du milieu


Quelque part en Armorique,


Je viens d’arriver en France, un pays qui ne me laisse pas insensible de par son histoire, la diversité de ses paysages, son patrimoine historique, culturel et artistique, sa gastronomie bien évidemment, mais aussi ses multiples légendes. Aujourd’hui, je pars à la rencontre de la Gaule dans bien d’étranges circonstances. J’ai rendez-vous dans un petit village gaulois qui, d’après ce que l’on m’a dit, trône fièrement au milieu d'une forêt de chênes au doux nom de Brocéliande. Un lieu magique où vivent des gnomes, des lutins, des fées et des sangliers heureux et paisibles... Enfin, je m’avance un peu au niveau de la sérénité de ces cochons sauvages, car c’est sans compter sur les autochtones de ce village palissé en rondins de bois, qui chassent ce phacochère pour agrémenter leur festin arrosé de cervoise, d'hydromel et d'autres boissons stupéfiantes.

Des irréductibles personnages qui apportent également une ombre sur le tableau des victoires de cet empereur romain, Jules Caesar. Une drôle de déconvenue en sachant que ce dernier détient un immense empire après avoir battu, par cinq fois, ses ennemis, en ayant de surcroît enchaîné et mis le valeureux Vercingétorix au pilori. Mais là, dans ce petit coin d'Armorique, rien n'y fait, ça ne passe pas, ça coince même... Des fous qui jettent des dolmens sur les légions romaines, baffant, assommant, éjectant, éclatant, éparpillant, ventilant comme le dirait Audiard, et maltraitant des soldats, jusqu'aux centurions. Faut dire qu'il n'y a qu'eux pour s'aventurer dans cette forêt bien mystérieuse, les autres ne sont pas cons non plus, faut pas les sous-estimer les généraux romains par Belenos… ou plutôt par Toutatis dans cette enclave.

Faut dire, sans le cacher, ces Gaulois sont aidés dans leur tâche par un certain Panoramix, druide auto-entrepreneur de mauvais sorts, sans scrupule, utilisant la sorcellerie d'une potion magique pour bouter Caesar le Romain, dictateur en titre, empereur de fait. (Pour une fois que ce ne sont pas les Anglais que l'on boute.)

Quoique je soupçonne Jeanne d’Arc d'avoir abusé de la concoction de ce magicien, car pour s’être mis dans la tête de vouloir fouler les champs de bataille... qui plus est, gagner les combats, ceci sur une unique intuition... Car la demoiselle a pris sa décision, après avoir entendu des voix dans sa tête, d’aller guerroyer, alors qu'elle n’était qu’une bergère peinarde, dans ces verts pâturages de Domrémy, à garder ses brebis pas suffisamment galeuses pour être anglaises. Il faut quand même être particulièrement timbrée ou encore sous l'influence de substances illicites pour entreprendre ce genre de périple. Étant de surcroît une pucelle notoire, qui ne connaissait de cette épée qu’une simple arme blanche, phallique revendication dans le fourreau de sa nativité. Apparemment, le breuvage de notre Merlin d’Armorique cogne grave de ouf ! Mais elle a eu l’apanage de son rang, dommage qu’elle soit morte en femme au foyer, elle aurait pu faire feu de toute son expérience pour militer contre ce machisme ambiant… Depuis ce jour fatal, le féminisme en a pris un coup et a eu du mal à s’en remettre… Heureusement, la « mère Veille » a repris le flambeau et d’autres ont suivi le drapeau.


Pour revenir à ce druide dealer de potion, alchimiste de profession, pourfendeur de pirates, je trouve qu’il ressemble étrangement à Raoultix de Massilia. Éminent virologue que j'ai rencontré, en tant que journaliste du China Daily (je suis en reconversion), pour des questions d'éthique à propos d'une couronne qui a, clandestinement, traversé les frontières de mon pays, l'Empire du Milieu. Un mec sevré à la chloroquine, rebelle en son temps, arrêtant la pandémie chinoise d'une invasion capitale, là où la contagion a touché dramatiquement les grandes instances élyséennes ainsi que les autres nations. Mais bon, ça, c'est une autre histoire. Nous y reviendrons ultérieurement si les masques tombent, la réanimation se libère et que le temps (du confinement) le permet, bien sûr.


Je me nomme Sras Sen Seng, je ne suis plus journaliste. J’écume, actuellement, les plateaux de tournage pour trouver un rôle à ma mesure. Je suis petit, ça ne devrait pas être compliqué et pourtant… c’est grave la galère !

Je viens juste d'arriver en Gaule pour me présenter au casting de Canux Guillaumix, un Romain affranchi qui a décidé de s'attaquer à ces glorieux Gaulois. Y en a qui ne doute de rien, mais bon, j'ai besoin de bosser, et même si c'est mal payé, ça me fera quelques sesterces pour nourrir ma curiosité.


C’est rigolo, mais ce nom de Sras fait toujours son effet, pourtant je ne suis qu’un pâle figurant à côté d’un Gilles Lellouche (quoiqu’il ne doit pas être si net avec le blaze qu’il a…), d’une Marion Cotillard que j’adore Ante Mortem, un peu moins en Post, mais bon ça c’est une question qui ne m’incube pas… Oups, le lapsus mortel qu’il ne fallait pas faire, je voulais dire qui ne m’incombe pas ! Désolé, Marion, la mort est une histoire récurrente… Pourtant elle ne dure qu’un instant. D’un Vincent Cassel, la haine avec lui. J’aurais pu avoir sa place, mais bon, je me suis proposé à tenir ce rôle, j’en ai fait part au directeur de casting. Il m’a exprimé que j’étais trop… disons exotique pour jouer le personnage de Caesar… Il m’a bridé, ce con ; comment vais-je pouvoir percer dans le milieu si je n’ai pas un empire à défendre ?

Bref, ils m’ont même refusé Epidemaïs : venant de ma campagne natale où mes parents cultivaient le riz, ce rôle devait m’être destiné. Et non, c’est Ramzy Bédia, qui l’a eu… Dégoûté, blasé, jauni par le destin…


Ce n’est pas faute d’avoir changé de nom pour ce recrutement… Francis Cluster, pas mal, pour un acteur chinois qui a plus de talent que de Yuan. Eh non, ce sont des Pierre Richard, tiens le revoilà lui, le Panoramix des cités, mais aussi José Garcia l’Iron Man de service…

Ah bon, il n’a pas joué dans Iron Man… Mince alors. La vérité si je mens, je croyais que c’était lui… Désolé !

Revenons à nos sangliers du grand écran, le riquiqui Manu Payet, puis le barbe, vous savez, celui qui éteint et allume la lumière sans arrêt, le relou Philippe Katerine, incarnant le personnage d’Assurancetourix. Par contre, je ne me suis pas battu pour ce personnage, ingrat total. Il passe sa vie ficelé à un arbre, sans participer aux banquets… Jamais on n’a fait ça à Tatayet… et pourtant !

Non aucun rôle phare, pas même celui du prince du Deng donné à Tran Vu… Ce plan était pour moi, suffisamment dingue pour le tenir, en plus j’étais aussi raccord que lui.


Je ne suis qu’un pauvre petit figurant qui doit, dans quelques heures, rencontrer le directeur de casting pour signer ce contrat de figurant. Sur l’écran personne ne va m’apercevoir. C’est certain, ils vont même me supprimer au montage. Je ne suis qu’un rush parmi les autres rushs.

Je vais rester assis toute la journée gardant l’espoir que, dans cette attente, je vais avoir la chance de rencontrer la fée cinéma qui va me toucher l’épaule de sa baguette magique et m’aspirer dans cette poussière d’étoiles qu’elle diffuse sur son passage. Et pourquoi pas m’amener dans la lumière des projecteurs, jusqu’au firmament des stars ? Mais là, je rêve, je délire. Je ne suis aujourd’hui qu’un passant sur ce sol gaulois, rejoignant ce petit village d’Armorique pour partager cette passion qui m’anime, au sein d’une équipe qui n’a rien à voir avec ces légions romaines qui pullulent dans la région ; enfin, c’est ce que je suis censé croire.


Francis Cluster, c’est quand même plus sérieux que Sras. Avec un nom comme ça je pourrais interpréter Le Misanthrope, mais aussi Cyrano de Bergerac, L’Avare, Britannicus, Le Cid, ou encore jouer sur scène les dix-huit rôles de la pièce Bronx, adaptée du chef d’œuvre de Chazz Palmintero. Alors qu’aujourd’hui je postule pour une figuration où je ne vais sûrement pas ouvrir la bouche. Sans un mot à dire, qu’un éphémère instant devant la caméra, dans la solitude d’une scène épistolaire dont l’écriture ne m’appartient pas.

Je ne recevrai aucune baffe non plus, qu’aurait pu me donner Gilles, incarnant Obélix.


Je suis un acteur maudit, un comédien usé par les vicissitudes du temps. Aujourd’hui, l’Armorique, demain le plateau des Vosges, et après que sais-je. Je ne connais pas ma capacité à recevoir des échecs consécutifs, trop répétitifs. Je viens de l’empire du Milieu avec ma hargne et ma détermination, la boule au ventre certes, et pourquoi ?

Pour un simple reflet d’existence dans l’histoire d’un autre… De ce raconteur d’aventures qui se fait appeler pompeusement scénariste ou scripte. Un auteur de renom qui ne me donnera aucun nom à ma simple figuration.


Je suis las, fatigué de cette course effrénée traversant les époques sur la courbe d’un temps que je ne maîtrise plus et qui n’existe peut-être pas. Essoufflé par le rythme incessant des essais, des actions sans action. Je n’en peux plus de marcher sur cet asphalte qui m’entraîne en Armorique ; je suis épuisé. C’est à ce moment-là, où le moral est au plus bas qu’un véhicule s’arrête, par miracle, non loin de moi. Le chauffeur baisse la vitre de son véhicule et m’interpelle :


- Eh ! Monsieur, vous allez au village des cinglés ?

- Oui. Vous êtes Romain ?

- Non pourquoi ? me retourne-t-il fortement étonné.

- Non, non pour rien !

- Alors, montez, dépêchez-vous, je suis à la bourre !

- Bonjour ! Francis Cluster.

- Vétécerius, Hubert Vétécerius ! répond le chauffeur

- Comment savez-vous que je me rends au village ?

- Vous avez un profil qui correspond, disons, à la tendance !

- Ah bon !

- Et vous, pourquoi m’avez-vous demandé si j’étais Romain ?

- Vous m’avez parlé du village des cinglés.

- Il ne faut pas être Romain pour s’apercevoir qu’ils sont tous barrés dans ce village. Pour vous dire, ils ont embauché Philippe Katerine qui leur coûte une blinde et ils s’amusent à le bâillonner et à l’attacher en haut d’une branche d’un gros chêne pendant qu’ils sont à la cantine...

- Oui, c’est certain…

- Remarquez, moi je ne fais que les transporter… Vous le verrez de vous-même. Vous êtes ici pour longtemps ?

- Je ne fais que passer !

- C’est un court séjour…

- Pourtant, c’est un long métrage, mais je suis souvent en décalage avec mes rendez-vous.

- Vous ne faites pas dans la demi-mesure alors.

- Le cinéma c’est ça, c’est une question de format.

- Vous jouez quel rôle ?

- Celui qui ne se voit pas à l’écran.

- Ah, c’est pas comme ça que vous allez devenir célèbre !

- C’est certain… Je suis figurant.

- Ah oui, ce n’est pas le plus grand rôle effectivement ! Mais comme le disait Coubertin, le principal c’est de participer !

- L’important dans la vie n’est pas le triomphe, mais le combat ; l’essentiel n’est pas d’avoir vaincu, mais de s’être bien battu.

Me souvenant de la véritable phrase de Pierre de Coubertin, non pas que j’y étais, mais en tant qu’ex-journaliste je me devais de rectifier la vérité.

- Que dites-vous ?

- Non rien, Hubert, juste une réflexion que je me fais à voix haute.

- Et vous venez d’où ?

- De l’empire du Milieu !

- C’est en province ?

- En quelque sorte…

- Oui parce que moi je suis Parisien… Mais là c’est particulier, j’ai un contrat avec la production du film pour la durée du tournage.

- Une belle mission !

- Oui, c’est sûr. Voilà nous arrivons… Je suis obligé de vous laisser à l’entrée du village, en principe je n’ai pas le droit de transporter des figurants.

- Ah bon et pour quelle raison ?

- Ben euh, parce qu’ils sont figurants !

- Oui, bien sûr, j’aurais pu y penser… Merci Hubert…

- À très bientôt, Francis, au plaisir de vous apercevoir dans ce film.


Quelque part au village des irréductibles


Je suis arrivé au village d’Armorique. Nous n’avons croisé aucun sanglier, aucun Romain, aucun dolmen… et aucun Gaulois. C’est déjà ça !

Il faut maintenant que je trouve la cabane du directeur de casting, la cité des irréductibles n’est pas grande, heureusement. Je pense que le plus simple sera de demander à quelqu’un.


- Hep ! Monsieur, je recherche la résidence d’Abraracoursix ?

- Ah ouais, suivez-moi, je prends ma charrette et mon mulet et on y va…

- Vous transportez quoi ?

- Du poisson pour Oftalmologix…

- Ça ne sent pas trop bon.

- Ah ça c’est sûr, mais je n’y suis pour rien ! Le contrat m’oblige à venir de Rungis avec cette charrette et mon mulet, pour faire plus vrai, plus rustique, histoire de me mettre dans l’ambiance. Voilà le travail, j’arrive, le poisson est daubé, les villageois n’en veulent pas et Oftalmologix ne supporte pas qu’on lui dise que sa marchandise est pourrie. Donc bagarre générale le matin de la livraison… C’est pas top, mais bon c’est la production qui décide. On va y arriver. Et vous ?

- Moi ?

- Oui vous ?

- Ah je suis figurant, je viens signer mon contrat.

- Ah OK, y a du monde devant vous, mon gars ! Va falloir attendre… ça va, vous n’êtes pas accompagné de la charrette vous…

- Oui, c’est déjà ça de gagner.

- Bon, je vous laisse. La hutte du boss est là, attention au bouclier en rentrant, il dépasse un peu.

- Merci !


Je salue le livreur et me dirige vers la hutte du chef du village. Presque instantanément un agent de sécurité de chez Véritax me barre le chemin.


- Halte-là, p’tit ! je suis Agentox de Sécuritemix, où vas-tu ?

- J’ai rendez-vous avec le directeur de casting ?

- Ton nom ?

- Francis Cluster !

- OK Francis, ton attestation de déplacement ?

- De déplacement pour quoi ?

- As-tu fait ton test PCR ?

- Mon quoi ?

- La sécurité, mon vieux, on ne mégote pas avec Corronavirius.


À cet instant béni, un assistant passe et vient à mon secours.


- Laisse-le passer, Agentox de Sécuritemix, c’est un figurant !

- OK, tu peux passer, P’tit, et n’oublie pas le PCR la prochaine fois.


Je me dirige vers l’assistant content de le voir.


- Je suis Francis Cluster figurant, je viens signer mon contrat.

- Freex, assistant du réalisateur… OK, suis-moi.

- C’est quoi un test PCR ?

- C’est pour dépister cette merde que nous a envoyée, d’une façon cavalière, l’empire du Milieu. Un goupillon dans le nez et hop, t’es clean !

- Ah OK ! C’est grave si je ne l’ai pas fait ?

- On s’en fout, tu es dans un village d’irréductibles. As-tu tes papiers ?

- Oui bien sûr…

- Peux-tu me redonner ton nom ?

- Cluster.

- Tu n’en as pas un autre ?

- Euh pourquoi ?

- Les clusters ne sont pas les bienvenus en Armorique. Irréductibles ou pas, nous n’avons pas envie d’être contaminés.

- De mon vrai nom, je m’appelle Sras Sen Seng.

- Pas mieux, on va rester sur Cluster. Tu te mets là et tu fais la queue… Bon courage et bonne chance à toi.


La queue est interminable… Elle n’en finit pas. Tous des figurants, aucun acteur en vue. Une silhouette se détache du nombre et m’apostrophe :


- Salut mec, tu attends pour ton contrat ?

- Oui, toi aussi ?

- Tu sais, moi je suis déjà reconnu dans la profession, j’ai joué dans pas mal de films, je commence à avoir une belle notoriété. On m’appelle le nouvel Al Pacino, c’est pour dire.

- Dans ce village aussi ?

- Non, ici je ne connais personne. C’est tous des branques. Ils ont casté des ringards, des vieux croutons qui ne touchent pas une bille, mais qui empochent, par contre, le pactole. Tu vois le genre !

- Tu es Romain, toi !

- Ouais, comment le sais-tu ? Originaire, seulement je suis née à Marseille. Et toi ?

- Moi je suis de l’empire du Milieu.

- Ah bon et c’est quoi ton milieu, mec ?

- C’est le centre d’un tout.

- Ah et alors ? demande-t-il d’un air abruti.

- Je suis le centre d’un tout, un peu comme le soleil parmi les étoiles du cinéma.

- T’es con, mec, tu te la racles… Pfffeuuu !


Au moins, lui ne viendra plus m’importuner. Je perds patience. J’ai mal aux jambes et au dos. J’ai faim, il est bientôt 13 heures sur ma montre Mickey que j’ai achetée à Disney Land. Un camion de menhirs passe devant la hutte du directeur où l’un de ses assistants crie : "Au suivant !"

Je ne voyais pas l’Armorique comme ça, je me la représentais mystérieuse, celtique. Alors qu’elle me semble plutôt prétentieuse et artificielle.

La matinée est bien entamée, une petite femme, lunettes au bout du nez se dirige vers nous, et annonce aux figurants la pause repas du bureau des doléances. Revenir dans deux heures pour nourrir une fois de plus cette queue qui n’en finit pas.


À quelques pas du centre du village, une cantine improvisée est installée. Les odeurs qu’elle dégage me titillent l’estomac. Je m’approche et par bonheur ils vendent des sandwichs. Un comble de se payer un repas quand le staff nous soumet à une pause que l’on n’a pas forcément voulue… J’évite le thon, ayant encore dans le nez l’odeur de la cargaison du livreur.


Je suis assis sur le rocher, je vois passer devant moi quelques villageois, je ne reconnais personne. Les héros ne sont pas encore là. Ils ne sont pas encore entrés dans l’histoire. Il y a une effervescence autour d’un homme coiffé d’une casquette. Je sais qui il est, c’est Canux Guillaumix. Il m’aperçoit, me regarde et s’approche de moi.


- Qui es-tu ?

- Francis Cluster.

- Suis-moi !


Quelque part au milieu d’un plateau de tournage


Je suis empêtré avec mon jambon beurre, cornichons.

Un technicien le prend et me libère du fardeau. En trottinant, j’essaye d’éviter de perdre le pas du réalisateur. Je suis ému qu’il ait pu me remarquer, mais je ne sais pas ce qu’il a dans la tête. Je croise Audrey Lamy qui me sourit généreusement. Gilles Lellouche qui n’est pas aussi trouble qu’il en a l’air. Je remarque aussi un grand gaillard : il me fait penser à quelqu’un, mais je n’arrive pas à lui donner un nom. Je me retourne vers le technicien, toujours à mes côtés, qui se nourrit de mon sandwich.


- Qui est cet acteur ?

- Zlatan Ibrahimovic, me répond-il entre deux mastications.

- Ah ! fis-je stupéfait. Mais n’est-il pas footballeur ?

- Oui, il l’est aussi !


Jérôme Commandeur arrête le convoi pour poser une question au réalisateur, qui reprend sa course après lui avoir répondu brièvement. Puis le cortège s’arrête de nouveau. Canux se retourne vers moi et me demande :


- Sais-tu monter à cheval ?

- Euh oui, Monsieur !

- Bon, c’est parfait, préparez lui le cheval, que les costumières l’habillent. Les maquilleuses au boulot. Suivez le directeur de la photo, il va vous briffer sur votre rôle. Allez à tout à l’heure ! me lance Canux en me saluant.

- Venez avec moi, nous allons prendre vos mesures, après nous partirons au maquillage. Nous allons tenter de faire quelques essais en fin d’après-midi.

- Je ne comprends pas ?

- Ne réfléchissez pas, foncez, ce n’est pas tous les jours qu’un réalisateur prend une décision de ce type sur un plateau ! Vous êtes attendu, ce soir ?

- Euh non !

- Tant mieux, parce que vous allez devoir rester plusieurs jours ici. Voici le scénario, votre rôle est surligné en jaune.

- En jaune ?

- Oui, désolé, une couleur mnémotechnique, sans plus.


J’ouvre le scénario, feuillette les pages et trouve les scènes surlignées correspondant à mon personnage au doux nom de Tchang K’ien. Ébahi, abasourdi même par la situation, je n’arrive plus à prononcer un seul mot. Quelques minutes après, je demande au technicien :


- Qui est Tchang K’ien ?

- Un explorateur et envoyé impérial chinois à l’époque de la dynastie de Han.

- Qui sont les Han ?

- La clef de voûte de l’Empire du Milieu. La dynastie de Han va sortir la Chine de son isolement. C’est Tchang K’ien qui va traiter les premières relations avec des pays étrangers et notamment l’Empire romain.

- Et vous n’aviez pas l’acteur ?

- Si, simplement cet acteur s’est désisté pour raison de santé. Nous avons appris ça hier soir.


Une fois le costume réajusté, le maquillage effectué, le directeur de la photo m’amène à Canux. Le réalisateur exulte de joie en me voyant.


- Sois béni, Francis, je suis vraiment très heureux de te voir dans la peau de ton personnage ! Maintenant, nous allons procéder aux essais, amenez-lui son cheval… Allez, on ne traîne pas, la journée n’est pas finie.


Je monte sur ce cheval docile, l’assise est bonne, la selle est à ma taille… Je claque ma langue sur mon palais… L’étalon blanc fait ses premiers pas. Son dresseur me donne quelques conseils, et me voici embarqué dans l’arène. Canux est comme un enfant au pied d’un arbre de Noël, il est radieux et interpelle tout le monde.


Il me fait un signe, s’approche de ma monture et me fixe du regard.


- Tu es parfait. Tiens, prends le scénario et reviens vers moi en interprétant.

- Je n’ai pas besoin du scénario, monsieur… J’ai appris le rôle en me faisant maquiller.

- Ah bon ! fait-il étonné… Ben, c’est encore mieux… Action, vas-y mon gars, nous sommes tous avec toi !


J’arrive devant le réalisateur et commence ma tirade…


- Bonjour, mes braves ! Je suis Tchang K’ien, accompagnez-moi dans les salons de Caesar ! J’ai grande soif et un besoin de me restaurer…


Canux et un assistant me font le retour :


- Mais qui c’est lui ? demande Obélix.

- Sûrement un ami de César, vu comme il est accoutré c’est pas un Romain…

- On peut peut-être s’amuser un peu avec lui…

- Non, Obélix, tu ne touches pas aux étrangers… Les amusements c’est seulement avec nos amis romains.


Mon personnage se racle la gorge pour essayer d’attirer l’attention de ces deux énergumènes qui discutent devant sa monture, sans se soucier de son rang.


- J’ai l’honneur de représenter notre dynastie Han, nous arrivons de l’Empire du Milieu, je vous prie de m’accompagner dans mes appartements. Prévenez Caesar que je suis arrivé après un harassant et très long voyage. J’ai de nombreux présents pour lui.

- Je crois que vous avez fait erreur, mon cher prince. Ce palais-là n’appartient pas à César, c’est sûr qu’il aimerait l’annexer, mais voilà, nous préférons le conserver ; voyez-vous, nous aimons notre indépendance et notre liberté. Que puis-je donc faire pour vous ?

- Ceci est un désagréable malentendu, mes braves ! Un contretemps ennuyeux qui n’arrange pas nos relations avec Rome.

- Vous avez fait gourance, les mecs, réplique Obélix en montrant le chemin opposé.

- Ce qu’Obélix veut vous dire, c’est que vous êtes en Armorique et non à Rome, Monseigneur.

- Contrariant tout ça, très contrariant ! Pourriez-vous au moins m’offrir le gîte et le couvert pour cette nuitée… Je paierai le prix de ce dérangement.

- Vous êtes le bienvenu, étranger, et gardez vos offrandes pour Caesar, il va en avoir besoin… Il fait actuellement un burn-out… Votre présence le distraira.

- Mais tu n’y penses pas, Astérix, t’as vu combien ils sont, par Toutatis ! Nous n’aurons pas suffisamment de sangliers pour les nourrir. T’es rigolo toi, Monsieur à l’invitation facile !

- Tu leur vendras tes menhirs, mon cher Obélix… Ouvre-toi au marché international… N’oublie pas de graver sur tes pierres "Made in gaulois", je suis sûr que tes menhirs vont être tendance cette année !

- Merci à vous, mes braves, je ne manquerai pas de citer votre région dans mes cartes de voyage et flatter votre accueil auprès de notre empereur ! L’Armorique sera pour nous un espace de paix de villégiature et un lien indéfectible avec notre patrie la Chine.


Tchang K’ien stimulant ses soldats, levant sa canne au pommeau d’or vers le ciel :


- Vive l’empereur… Vive l’empereur… Gloire à toi ô Tout-Puissant maître de l’Empire !

- J’espère qu’ils ne vont pas venir faire du tourisme ici… Ils vont saccager ma réserve de sangliers.

- Vois le bon côté des choses, Obélix, ça fera marcher le commerce local… C’est très bon pour l’économie du village. Falbala pourra faire vendre ses souvenirs. Regarde Idéfix, il les a déjà adoptés.


Toute l’assemblée applaudit… Le succès est général, même le directeur de casting est sorti de sa hutte pour me voir. En quelques années, grâce à ce pseudo Cluster j’ai contaminé un plateau de tournage et réussi à devenir la nouvelle coqueluche du cinéma international. Je suis sollicité de partout. Le magazine Forbes indique, dans ses colonnes, que je suis devenu un acteur banquable, l’étoile montante du cinéma.


Quelque part en Chine,


Mon chauffeur m’accompagne à l’aéroport. Canux a besoin de moi pour un nouveau long métrage. Je suis ravi de le revoir, mon mentor, celui qui m’a donné cette chance exceptionnelle de réaliser mes rêves. Tout autour de nous des fans m’interpellent. Je m’approche d’une petite fille avec sa maman. Elle me tend une photo que je griffonne rapidement. Tout doucement je m’approche d’elle. Le service de sécurité est aux abois. Agentox de Sécuritemix est près de moi, il surveille avec une attention particulière le moindre faux pas, il scrute le plus petit détail qui pourrait me mettre en danger. Il s’est habitué à la vie chinoise. Ce qu’il ne sait pas encore faire c’est manger avec des baguettes.

La jeune fille me prend la main et me susurre à l’oreille :


- Comment avez-vous réussi, Monsieur Cluster ?

- Simplement en n’attendant rien de la vie, mais en faisant tout pour qu’elle me remarque…

- C’est tout ?

- Non, ce n’est pas tout !

- Alors ?

- J’ai, je crois, abusé de la potion magique que m’a offerte un ami… Il s’appelle Panoramix, mais, chut, ne le dis à personne.

- Ah bon ! fait-elle perplexe.

- Ce que je veux te dire par là, c’est qu’il faut toujours croire en ses rêves. La potion magique de Panoramix, tu vois, c’est ce que la vie t’apporte lorsque tu es en harmonie avec elle, elle t’offre ce qu’il y a de mieux pour toi… Et toi, tu as des rêves ?

- Oui, Monsieur !

- Et quel est-il ?

- Je voudrais écrire des histoires pour vous !


Devant cette réponse inattendue et tellement touchante, je sors de ma poche une carte de visite que je remets en main propre à la maman de cette enfant. En lui précisant bien :


- Madame, votre fille veut m’écrire des histoires… Tenez, appelez-moi dans le courant de la semaine prochaine. J’ai peut-être encore besoin d’un peu de cette potion magique pour continuer ma carrière tout en restant moi-même… Merci à vous, Madame, je compte sur vous !

- Au revoir, Mademoiselle ! Comment t’appelles-tu ?

- Xiao Xian Nu, Monsieur !

- Oh ! voilà un magnifique prénom… Merci Monsieur !

- Petite fée est un prénom admirable qui me touche beaucoup. Merci Xiao !


Je salue la maman et m’approche de la petite fille pour lui faire une bise sur la joue. Elle me répond à travers un sourire angélique. C’est avec difficulté que je me détache de son regard.

Je signe encore quelques autographes et m’écarte de la foule qui scande mon nom avec des cœurs et de belles intentions. Des centaines de personnes en rang serré. Je suis surpris par cet engouement.


C’est en passant devant les boutiques du Pékin Municipal Airport que je remarque les petites figurines à mon effigie accompagnée d’un menhir… Je m’arrête, prends la figurine, regarde dessous. Une inscription est gravée : Made in Gaule, created by Obélix – Uderzo & Goscinny.

Je ne résiste pas, je l’achète et je souris.

Je repense souvent à ce petit village d’Armorique, entouré d’une forêt ensorcelante où la fée cinéma a eu la délicatesse de toucher mon épaule avec sa baguette magique et changer le figurant que j’étais en acteur accompli… et je viens de la rencontrer…



La série du film tient sa première saison ! 15 épisodes exceptionnels à découvrir prochainement sur Pitchseries !


Résultats

-Episode 1 (Serge Leterrier) Sras Sen Seng alias Francis Cluster

-Episode 2 (Jerome V.) Les 7 péchés capitaux – Partie 1 La colère : Marion

-Episode 3 (Sam Beckett) Mon père, héros ou zéro ?

-Episode 4 (Jerome V.) Les 7 péchés capitaux – Partie 2 L’avarice : Jonathan Cohen

-Episode 5 (Alcafi) Coup de foudre

-Episode 6 (Jerome V.) Les 7 péchés capitaux – Partie 3 L’envie : Vincent Cassel

-Episode 7 (Gabriel Debailly) Un coup de potion

-Episode 8 (Jerome V.) Les 7 péchés capitaux – Partie 4 L’orgueil : Angèle

-Episode 9 (Sam Bekare) Les 3S

-Episode 10 (Jerome V.) Les 7 péchés capitaux – Partie 5 La gourmandise : Jérôme Commandeur

-Episode 11 (Quentin M.) Un jour sans fin

-Episode 12 (Jerome V.) Les 7 péchés capitaux – Partie 6 La paresse : Philippe Catherine

-Episode 13 (David Nguyen) La commande

-Episode 14 (Jerome V.) Les 7 péchés capitaux – Partie 7 La luxure : Mac Fly et Carlito

-Episode 15 (Martin Firmin) Le Bonus




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