LES CHRONIQUES DE SEL DE FICTIONS Le livre coup de cœur
Opération Halloween De Ben guerrier
Le livre de tous les combats.
« Opération Halloween » se lit comme un roman, se comprend comme un thriller et se réfléchit comme une autobiographie. Une montée en puissance pour ce livre qui traite de la jeunesse de son auteur et de l'impact de son éducation sur ses choix qui vont progressivement l'entraîner dans un enfer, son enfer qu'il ne pourra partager qu'avec lui-même, dans un premier temps et avec les lecteurs dans un second, grâce à « Opération Halloween » ...
C'est dans l'univers glauque et marginal de cet ouvrage que nous parcourons les couloirs des mots empreints de violence, causés par une éducation stricte et injuste où la germination de l'affectif n'existe qu'à travers le miroir des émotions. Héritage du passé, de père en fils de grand père en petit fils, chez les Ben Salem, rien n'est rose. Tout est même noir, trop noir, peut-être, pour ne pas en subir les conséquences. Une escalade dans cette éducation ravageuse de bons sentiments et de mauvais coups. L'ordre militaire est à ce prix et même si l'injustice est flagrante dès le départ, l'agression est une nourriture pour accompagner l'enfant dans ce droit chemin. Droit comme les assauts du bâton sur l'échine de l'existence. Les 100 premières pages, qui en comptent 600, exposent la montée en puissance de cette violence familiale, jusqu’à rejeter complètement l'inspiration paternelle dans cette apologie qui navigue entre le bien et le mal sans frontière prédéfinie... C'est un mal pour un bien... Ou plutôt chez les pères Ben Salem, c'est un bien qui fait mal.
Ben Guerrier est le héros malgré lui de cette articulation, de cette transgression expressive de l'existence, qui existe malheureusement dans de nombreuses familles, jusqu'en oublier certaines fois, les origines, voire les accroches du mal. Fardeau familial qu'il faut léguer à tout prix à ses descendants et surtout ne pas s'exhiber, laissant une situation putride de sentiments inexprimés s'étaler sur le sol familial.
Le travail effectué sur ce livre est remarquable, certains vont le condamner pour sa justesse littéraire, pourtant nous sommes face à un phrasé naturel, expression majeure pour ce genre de récit et nécessaire à la compréhension de cette histoire autobiographique. Nous baignons "dedans". Comme si nous étions à côté de l'auteur.
Certains vont le mettre au pilori pour apologie du crime, mais ne faut-il pas être dans le cœur du mal pour connaître les effets de cette aversion sur la psychologie de l'homme dans son présent et son devenir ?
Certains vont exprimer leur désarroi face à cette enchevêtrement de violence et d'agressivité d'une société en mal de reconnaissance. Mais ne faut-il pas dénoncer les conflits pour pouvoir exhumer ses propres blessures intérieures ?
Certains vont porter des banderilles sur cet auteur, qui comme un taureau dans l’arène va essayer tout le long de cet ouvrage de trouver une issue à ce vain combat et faire face à cette danseuse versatile, qu'est le lecteur. Un lecteur qui deviendra ce toréador sacrificiel, celui qui attend la moindre incartade pour assassiner l'insouciance et sacrifier cet homme sur l'autel de sa prose personnelle.
Mais ce livre est tout autre chose, c'est tout d'abords un poignant témoignage d'un enfant face à une famille qu'il aime malgré toutes les souffrances endurées au fil des années. Un lourd passif que le petit Ben Salem porte sur ses épaules.
C'est aussi une délicate expression d'un parcours chaotique qui ne donne dans son apparence aucun choix, aucune autre orientation, aucune solution proposée dans la sombre exigence des cités. Devenir gibier ou chasseur... C'est à prendre ou à laisser. Mettre dans la balance le risque et le péril... la mort en point de mire.
Rude, agressif, âpre, violent, déstabilisant, irritant, certaines fois, impressionnant, captivant, surprenant, révoltant souvent, mais la révolte n'est-elle pas le terreau fertile de tous les changements ? Un livre sous haute tension, qui déclare, dans un langage dénué d'hypocrisie, sans fard, ni artifice, la vérité, juste la vérité et rien que la vérité au prix d'une rédemption forte et résistante et d'une franchise décapante et caustique.
Sans jugement aucun, ce livre est une plaidoirie humanitaire, pleine de bon sens et de sensibilité sur le brûlot incandescent de notre société. Un hymne contre cette fatalité exaspérante et destructive qui nous est dictée à travers les à priori et les préjugés dans l'ignorance des valeurs fondamentales de l'homme. Ben Guerrier est de cela, avocat de sa partie civile, exécutant une sentence lourde et pesante sur son passé et celui de sa famille. Avocat de la défense trouvant des circonstances souvent atténuantes pour excuser cette hérédité et nourrir ses propres responsabilités. Juré, également, qui va juger dans sa conscience les équilibres de positionnement et du choix entrepris le condamnant à la perpétuité, mais trouvant sa rédemption au terme de ce chapitre de vie. Et enfin juge qui expose les actes et déclare la sentence de ce jugement. Coupable des faits invoqués durant la lecture de ce gros pavé littéraire. Coupable d'avoir été sous l'influence pernicieuse de la violence familiale et urbaine. Coupable d'avoir été berné par une société construite dans des ghettos pervers et délictueux qui transposent la gangrène des cités...
Un livre brillant de spontanéité, de naïveté et de Pureté sur certains paragraphes du livre.
Un véritable enseignement, à réfléchir sans modération, pour ne pas pérenniser ce mal profond causé par les pressions, les tensions et les misères psychologiques et sociales que l'homme a jalonné tout au long de son existence.
Merci Ben Guerrier pour ce chemin parcouru et tous ces obstacles franchis pour être ce que tu es devenu aujourd'hui.
Merci Ben pour ton livre témoignage. Il nous permet d'être moins ignorant de cette délinquance et du désœuvrement de cette jeunesse prisonnière de son destin. Sera-t-il écouté, à défaut d'être lu, rien n'est moins sûr. Les dogmes ont la vie dure, les politiques nous donnent l'impression effectivement d'écouter, mais ils n'attendent pas les complaintes des gens des cités, zone de no man's land où tous les droits sont devenus trafics de non droits sous la tutelle de bandes organisés.
Merci Ben pour cette pédagogie que tu nous transmets à travers ce livre, elle nous inquiète certes, mais nous permet de mettre l'accent sur cette déliquescence morale, la cité n'est pas fait de monstres, elle est simplement le terrain de « Je » d'une poignée d'individus, trafiquants de misère et de désespoir.
Ben Guerrier, est aujourd'hui cet acteur cascadeur qui transmet sa joie de vivre et ses compétences aux autres jeunes privés de perceptions, d'horizon et d'avenir, comme il l'a été lui-même dans une autre vie, celle du fils Ben Salem. L'homme a d'énormes ressources en lui et ce livre, « Opération Halloween », en est la preuve.
Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains, mais à porter aux regards des autres. C'est ce que je fais aujourd'hui !
Bonne lecture à vous tous.
Serge Leterrier Les chroniques littéraires de Sel de Fictions (Novembre 2019)
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